Ramener à la vie des espèces disparues, une bonne idée ?

 

Colossal Biosciences, une société américaine de biotechnologie, souhaite ramener à la vie des espèces disparues il y a des centaines voire des milliers d’années. Elle songe notamment à ressusciter le dodo, le mammouth laineux et le thylacine ou tigre de Tasmanie. Mais est-ce une bonne idée ?

La société de biotechnologies et de génie génétique Colossal Biosciences souhaite faire revivre des espèces éteintes depuis des centaines, voire des milliers d’années. A l’image du dodo qui vivait autrefois sur l’île Maurice. Jusqu’alors jamais confronté à la prédation, cet oiseau docile et peu méfiant a été décimé au XVIIᵉ siècle par les colons européens et des espèces introduites par eux. Le Solitaire de Bourbon est un symbole de l’extinction causée par l’homme.

Empêcher une 6e extinction de masse

Depuis plus de 12 millénaires, l’être humain ne fait que détruire la faune et la flore pour construire son habitat ou mener ses activités. Son expansion menace aujourd’hui la biodiversité à telle point que des scientifiques évoquent une 6e extinction de masse. Dans ce contexte, Colossal Biosciences et la biologiste Beth Shapiro ont pris l’engagement de parvenir à une « dé-extinction » des espèces sur Terre. Pour financer son projet incroyable, la société américaine a récemment levé 150 millions de dollars (environ 137,5 millions d’euros). Début 2022, elle avait déjà récolté 75 millions de dollars auprès de divers investisseurs.

Se tourner vers le pigeon de Nicobar, génétiquement proche

Colossal Biosciences n’a pas la prétention de ramener exactement à la vie les espèces disparues, mais d’en créer une copie conforme. Pour cela, l’entreprise s’appuiera sur d’autres espèces encore vivantes et génétiquement proches. Dans le cas du dodo, elle se tournera vers le solitaire de Rodrigues ou le pigeon de Nicobar. Elle va étudier les différences d’ADN entre ce dernier et leur sujet afin d’identifier les gènes qui font vraiment d’un dodo un dodo. À partir de là, ils pourront en recréer un.

Un embryon cloné dans un œuf, un défi scientifique

La biologiste Beth Shapiro a pu trouver l’ADN du dodo dans un spécimen conservé au Musée d’histoire naturelle de Copenhague. L’équipe de chercheurs pourra ainsi exploiter ce génome et des cellules de Nicobar pour les faire ressembler en utilisant la technique d’édition du génome Crispr-CAS9. Mais une complication surgira plus tard. En effet, la plupart des technologies de clonage et d’édition de gènes concernent les mammifères. Or il s’agira ici de mettre un embryon cloné dans un œuf pour faire éclore une nouvelle génération. Un véritable défi scientifique.

Un projet pour reconstituer des écosystèmes menacés ou disparus

Heureusement, l’équipe de Colossal Biosciences a de l’idée. Elle envisage mettre les cellules modifiées dans des œufs en développement d’autres oiseaux comme des pigeons ou des poulets pour créer une progéniture capable de se reproduire naturellement à son tour. Toutefois il faudra faire quelques expérimentations pour s’en convaincre. Ces essais pourraient également s’appliquer au mammouth laineux et au thylacine (ou tigre de Tasmanie) sur lesquels l’entreprise travaille depuis 2011. A terme, elle souhaite réintroduire dans la nature toutes les espèces emblématiques disparues. Objectif : reconstituer des écosystèmes menacés ou disparus, mais également préserver des espèces menacées d’extinction.

Et sensibiliser le public sur les espèces en voie de disparition

Par ailleurs, Colossal Biosciences assure que ce projet est un moyen efficace de sensibiliser le public à la situation critique d’espèces en voie de disparition. En outre, le groupe estime-t-il ses recherches pourraient avoir d’autres applications dans le domaine de la santé humaine. Mais ses travaux soulèvent déjà des questions éthiques. Des scientifiques s’inquiètent principalement de la possibilité de créer de nouvelles espèces. Car le dodo in vitro n’aura pas vraiment de similarité physique et génétique avec son ancêtre. Aussi, ne croient-ils pas que ce ré-ensauvagement sera réalisable en raison d’un changement de l’environnement.

Mais il y a trop de questions éthiques sans réponses

En outre, ils relèvent le fait que ces espèces ressuscitées ne retrouveront pas l’écosystème dans lequel elles évoluaient. Ce n’est plus le même air et la même alimentation. Va-t-on alors les nourrir avec autre chose ? Dans ce cas, devrait-on toujours les appeler dodo, mammouth laineux et thylacine ? Enfin, quelle serait leur place dans ce nouveau monde ? Il y aura-t-il assez d’espace pour les réintroduire ? Ces espèces ne deviendront-elles pas dangereuses pour celles existantes ? On n’oublie d’ailleurs pas que c’est la disparition de certaines d’entre elles comme les dinosaures qui a permis le développement des petits mammifères. Compte tenu de toutes ces inquiétudes, des voix s’élèvent pour appeler les chercheurs de Colossal Biosciences à se contenter de sauver les espèces vivantes au lieu de jouer les apprentis-sorciers.

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