Une association anti-tabac a porté plainte contre plusieurs fabricants de cigarettes, les accusant de falsifier les taux de goudron, monoxyde de carbone et nicotine présents dans les cigarettes, à travers leurs outils d’analyse de ces taux. L’information a aussitôt été relayée dans les médias, qui l’ont mise en scène avec les titres les plus racoleurs possibles. En relayant un pseudo scoop sur les tests effectués sur les filtres de cigarettes, les journalistes reprennent sans s’en rendre compte une info qui date de… 1936 !
Le Comité National contre le tabagisme (CNCT) a porté plainte contre les filiales françaises de Philip Morris, British American Tobacco, Japan Tobacco International et Imperial Brands, pour « mise en danger de la vie d’autrui ». Les avocats de l’association reprochent aux cigarettiers la présence de micros trous dans les filtres de cigarettes, qui diminuent les taux des produits nocifs calculés par des machines lors des tests réglementaires. Ils affirment que les fumeurs ne consomment pas les cigarettes de la même manière que ces machines et qu’ils bouchent les micros trous avec leurs doigts et lèvres.
Il n’en a pas fallu plus pour enflammer les médias. Pourtant, à y regarder de plus près, ces accusations relèvent surtout de la fake news, puisque ces pratiques sont connues et publiques. En fait, cet écart entre la consommation de la machine utilisée pour tester les produits et celle des fumeurs a été constaté dès 1936, comme le précise l’étude Hammond, celle là-même utilisée par les avocats du CNCT dans leur plainte, qui précise que « les concepteurs des méthodes d’essai FTC / ISO ont noté dès 1936 que leur méthode ne représentait pas les habitudes de consommation humaine ».
Comment citer une étude sans l’avoir lu, ou l’histoire de la déperdition du journalisme…
Car sur le fond, cette polémique n’a pas lieu d’être. Les outils mécaniques utilisés dans le cadre des normes sanitaires, et ce dans tous les secteurs, ne pourront jamais calquer avec exactitude le comportement de l’Homme. Ils permettent d’établir un barème, un outil de calcul et d’uniformisation des taux, pour que les normes de lutte contre le tabac, en l’occurrence, puisse s’appuyer sur une base commune.
Reproche-t-on à l’industrie automobile d’utiliser des mannequins en plastique pour ses crashs-tests ? Faut-il que les fabricants de cigarettes embauchent des salariés pour servir de cobayes ?
On peut dénoncer les normes, ou les appareils de mesure et exiger des autorités qu’elles imposent aux fabricants une nouvelle méthode de calcul de ces produits toxiques, mais pas leur reprocher d’avoir triché sur un outil dont les limites sont intrinsèques.
En ce début d’année 2018, les actualités de premier plan sont peu nombreuses et les journalistes ont brodé tant qu’ils ont pu autour de la neige à Paris et de la mort de Johnny. L’opportunité d’écrire des articles chocs sur le « scandale », la « triche », les « filtres truqués », au détriment de recherches sérieuses, était sans doute trop belle.
Comme toujours en matière de santé, les approximations et contresens scientifiques conduisent les journalistes à énoncer des énormités et à développer des raisonnements absurdes…