Le chef de la junte militaire Assimi Goïta pourrait s’offrir au moins cinq années supplémentaires à la tête du pouvoir, sans passer par la case élection et tout en réduisant à néant la moindre voix critique.
Tous les présidents en rêveraient sans doute, Assimi Goïta, lui, vient de le réaliser presque sans effort au Mali : pouvoir s’octroyer un mandat présidentiel sans passer par l’épreuve d’une quelconque élection.
Le chef des militaires au pouvoir s’est en effet vu offrir à l’issue de deux jours d’échanges sous l’égide des « forces vives de la nation » – un panel de représentants soigneusement sélectionnés par les autorités – la possibilité d’être « nommé président de la République pour un mandat de cinq ans à partir de 2025, renouvelable ».
Pour un homme arrivé au pouvoir – en 2020 – par la force des armes, en faisant notamment tomber l’ex-dirigeant démocratiquement élu Ibrahima Boubacar Keita (IBK), une telle prolongation ferait passer son nombre d’années d’exercice à la tête de l’État à dix ans. Autrement dit, l’équivalent de deux mandats sans jamais avoir été élu.
Plus inquiétant, les mêmes consultations préconisent la suspension de « toutes les questions électorales jusqu’à la pacification du pays » et la dissolution pure et simple de « tous les partis politiques » existants.
Le réveil tardif d’une opposition muselée ?
Cette décision marque un tournant radical dans ce qui était initialement présenté comme une transition vers un retour à l’ordre constitutionnel entre-temps promis pour mars 2024. Cette promesse semble désormais avoir été jetée aux orties.
Surtout, Assimi Goïta s’est employé à « réduire l’opposition à sa plus simple expression », comme l’avait un temps théorisé l’ancien chef de l’État Macky Sall au Sénégal, pays voisin du Mali. Mais les principaux partis politiques maliens semblent aujourd’hui déterminés à faire entendre leur voix.
Réunis au sein de l’Initiative des partis politiques pour la charte (Ipac), ils s’organisent pour contester cette prolongation du pouvoir militaire considérée comme illégitime, d’après Le Monde.
« On sent un réveil. Les espoirs et l’enthousiasme observés au début de la transition ont été déçus. La junte n’est plus populaire. Les Maliens ont compris que ces gens veulent confisquer le pouvoir et les priver de leurs libertés. Mais nous ne l’accepterons pas« , affirme Yaya Sangaré, secrétaire général de l’Alliance pour la démocratie au Mali – Parti africain pour la solidarité et la justice (Adema-PASJ), cité par le quotidien français.
Des fissures au sein du pouvoir militaire ?
« Nous vivons des moments difficiles. Nous devons continuer à nous battre, car nous ne pouvons pas laisser des militaires anéantir les libertés pour lesquelles beaucoup de Maliens ont payé de leurs vies« , confie anonymement, toujours au journal, une figure politique qui s’était engagée contre le régime de Traoré.
En coulisses, la prolongation du mandat du général Goïta pourrait également exacerber les tensions au sein même de la junte militaire. Plusieurs sources militaires et sécuritaires évoquent à en croire Le Monde, une méfiance croissante entre le chef de la junte et le général Sadio Camara, son ministre de la Défense.
Celui que l’on a un temps surnommé « le cerveau de la junte » selon Jeune Afrique, est désormais à la tête d’un groupe de généraux opposés à l’influence grandissante d’Assimi Goïta. Cette guerre des clans fera-t-elle imploser le pouvoir des militaires ? « Les prochains jours vont être décisifs », croit savoir Yaya Sangaré.